DoubleClick accusé de viol à l'anonymat !


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Le 15/02/2000

 

 

DoubleClick, société américaine au chiffre d'affaire de 258 millions$ (1999), le numéro un de la bannière publicitaire sur le Web, est accusé de recueillir des données personnelles à l'insu des internautes, pour alimenter de gigantesques bases de données.

L'Electronic Privacy Information Center (EPIC), basé à Washington, qui défend la vie privée numérique, vient de porter plainte le 10 février pour « tromperie et pratiques commerciales déloyales » contre le publicitaire en ligne. Elle lui reproche la violation du droit à l'anonymat reconnu par la constitution américaine.

Une californienne, Hariett Judnick, a également décidé de poursuivre DoubleClick au nom du public, sur les mêmes bases juridiques que l'EPIC.

Le rachat par DoubleClick en 1999, d'Abacus Direct, un des principaux spécialistes américain du marketing direct, détenteur d'un fichier nominatifs sur 88 millions de consommateurs américains, avait fait, à l'époque, s'exprimer les craintes de nombreux groupes de défense de la vie privée américains.

La compagnie place des bandeaux publicitaires sur des sites Web qui font partis du réseau "Double Click Network", qui se compose de plus de 1000 enseignes commerciales, à fort traffic d'affluences, regroupés en catégories en fonction de leurs centres d'intérêts. Les sites participants incluent Altavista, La BD "The Dilbert zone", Macromédia, ZDNet, etc. (NDLR : on remarquera que certains ont déjà été mélés à des affaires de mouchards...).

DoubleClick à mis en place un système de gestion sophistiqué des bannières avec une méthodologie statistique complexe basée sur deux technologies différentes pour espionner les internautes.
La première s'appelle
Dart :

Quand un utilisateur individuel visite pour la première fois un site Web qui appose les bandeaux publicitaires de
DoubleClick, celui-ci lui assigne un numéro unique d'identification et mémorise ce numéro dans le fichier de cookies sur l'ordinateur de l'internaute.
Lorsque le visiteur revient sur l'un des 13 000 site Web portant une bannière publicitaire fournie par
DoubleClick, ce dernier lit son cookie et enregistre dans une base de données géante son numéro unique, auquel est rattaché le nom du site visité et d'éventuels renseignements personnels que l'internaute aura pu saisir pour passer une commande (nom, adresse, numéros de carte de paiement et de téléphone, etc.).

On peut donc, en juxtaposant les sites parcourus par un visiteur (traçabilité) et les produits achetés en ligne, se faire un portrait précis des préférences de cet internaute afin d'afficher automatiquement des publicités correspondant à ses intérêts.

La deuxième technique permet à DoubleClick de proposer aux internautes des articles correspondants à ce qu'ils ont acheté, dans des magasins réels (et non sur le net) au cours des mois et des années précédentes grâce à la gigantesque base de données d'Abacus Direct.
Grâce à cette base de donnée,
DoubleClick peut offrir aux annonceur de cibler leurs bannières le plus précisément possible et donc de les vendre plus chers. Par exemple, on peut cibler une clientèle constituée de jeunes mâles de telle région qui aiment telle ou telle activité. Ce qui permet au publicitaire d'exiger des annonceurs, 5 à 10% de plus par critère proposé.

DoubleClick se défend d'utiliser de tels procédés et rétorque que « le cookie n'identifie personne, les données restent anonymes ». Mais Richard Smith, expert en sécurité et à l'origine de la découverte de nombreux mouchards, affirmait dans une étude récente que « les cookies des navigateurs peuvent être recoupées avec les adresses e-mails sans le consentement des personnes ». Ils permettent donc d'associer une adresse e-mail à un profil (anonyme) de comportement d'achat. Une fois l'adresse électronique récupérée il est facile d'opérer des recoupements avec le fichier d'Abacus Direct...
Le jeune président de DoubleClick, Kevin O'Connor, affirme que la technologie Dart apporte un service aux internautes, d'après lui, une majorité écrasante ont donné leur accord tacite, puisqu'ils n'ont pas demandé à ne pas être pistés sur le Web en optant pour la procédure nommée "Opt-out".

DoubleClick distribue les bannières publicitaires d'environ 13 000 sites Web (dont ZDNet et Multimédium) et sa filiale, Abacus Direct rassemble les informations sur les achats de plus de 1000 catalogues en ligne.

Le
Center for Democracy and Technology (CDT) a organisé une action à destination des internautes afin d'envoyer en masse des courriers électroniques de protestation à DoubleClick et en usant de la possibilité offerte par DoubleClick de s'exclure de la base de données (procédure appelée "Opt-out").

Toutefois, Il semblerais que le consommateur européen ne soit pas (encore ?) concerné par cette politique Orwellienne !
Les politiques américains préparent un projet de loi qui viserait justement à désactiver les cookies par défaut dans les navigateurs, ce qui correspond à une recommandation formulée par l'
Union Européenne dans une directive de février 1999 restée lettre morte devant l'indifférence de Microsoft et Netscape, dont les navigateurs sont clairement mis en cause.


Denis Dubois

 

Pour en savoir plus :

La politique de DoubleClick en matière de vie privée

La requête d'injonction de l'EPIC (Fichier Adobe PDF)

Les articles sur le sujet de ZDNet, Multimédium, CNET News.com

 

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